Deces de l’historien Robert Attal

Deces de l'historien et bibliographe Robert Attal

 

SOCIETE d’HISTOIRE DESJUIFS DE TUNISIE

(S.H.J.T.)

HOMMAGE à ROBERT ATTAL – SYNAGOGUE BUFFAULT 3 MARS 2011

 

 

Deces de l'historien et bibliographe Robert Attal

 

SOCIETE d’HISTOIRE DESJUIFS DE TUNISIE

(S.H.J.T.)

HOMMAGE à ROBERT ATTAL – SYNAGOGUE BUFFAULT 3 MARS 2011

 

 

En rappelant ce soir au nom de la communauté des chercheurs qui s’intéressent à l’histoire des juifs d’Afrique du Nord et grâce à l’obligeance de Monsieur le Rabbin Weil et de Monsieur Elie Balmain Président de la commission administrative de cette Synagogue, la mémoire de Robert Attal et les immenses services qu’il a rendu à la recherche, je mesure l’impuissance de la parole pour traduire à ses proches la part que nous prenons à leur deuil. Je les prie de rapporter à Daisy l’admirable compagne de sa vie le témoignage de notre fidélité et de notre affection.

J’étais lié au grand juif et au grand militant sioniste que fut Robert Attal par des liens anciens fait d’amitié respectueuse de cadet à aîné et d’affinités intellectuelles.

 

Né à Paris par les hasards des activités professionnelles de son père mais ayant vécu toute son adolescence et sa jeunesse à Tunis, Robert Attal a très tôt manifesté une foi profonde, marquée par la tradition familiale mais aussi par une réflexion intérieure personnelle d’où il puisait son ouverture aux autres, sa permanente bonté et son militantisme. Car la foi d’Israël impliquait pour lui engagement : engagement par un modèle de comportement au quotidien, engagement pour éduquer la jeunesse, engagement pour la renaissance de Sion. C’est tout naturellement qu’au lendemain de l’occupation de la Tunisie, il milita au mouvement sioniste Torah Vaavoda  présidé par le Docteur André Brami et qui cherchait à concilier le mouvement pionnier avec la foi religieuse. Il en devint rapidement l’un des dirigeants aux côtés de Mordehaï Cohen, de Gaston Sayada et d’autres encore. Il se consacra à la branche jeunesse (Bene Akiba), animant séminaires et colonies de vacances et attirant par le rayonnement de sa personnalité et de sa pensée maints jeunes avides de s’instruire et qu’il préparait à l’alya.

En 1956, il estima que son travail en Tunisie était terminé et il décida d’accomplir son alya. Mais préalablement, pendant une année entière et j’en ai été le témoin direct, il courut de ville en ville, d’association communautaire en association communautaire, de rabbin en rabbin, de maison juive en maisons juive, pour demander qu’on lui remis des journaux juifs, des brochures associatives, des tracts, des documents, des livres, car il eut avant quiconque conscience qu’il fallait absolument préserver de la destruction tout un corpus qui constituait la mémoire d’une communauté dont il pressentait la disparition.

Quand il quitta Tunis, il n’emporta pas comme certains des meubles ou des objets de valeur mais des caisses entières dont il paya sur ses maigres économies le transport, et qui contenaient la plus grand de toutes les richesses, tout un passé. Entre 1881 et 1956 près de 90 journaux en judéo-arabe et une quarantaine en langue française ont paru en Tunisie. Aujourd’hui grâce à Robert Attal les collections complètes se trouvent en Israël

Soutenu par le  Président Itzhak Ben Zvi il put à partir de ce trésor rapporté de Tunisie constituer la base de ce qui est devenu l’Institut Ben Zvi de l’Université Hébraïque de Jérusalem dont il fut le premier et pendant plus de trente cinq ans le  bibliothécaire, l’Institut Ben Zvi devenu sous la direction de Michel Abitbol le premier centre de recherches en matière d’histoire du judaïsme séfarade et maghrébin en particulier.

L’ingénieur agronome qu’il était parce que l’agriculture semblait être la condition du développement d’Israël, devint le conservateur de la mémoire d’un judaïsme qui disparaissait peu à peu des terres d’Islam et qui ne retenait pas l’attention des historiens. Il est vrai que l’histoire des minorités était étrangère aux préoccupations de l’Université française et même contraire à la conception universitaire de l’histoire et qu’Israël contraint de construire une unité nationale dans un pays où dominait le modèle ashkénaze ne se préoccupait pas de rappeler la mémoire d’un monde fini.

Robert Attal pendant des années a rassemblé patiemment document sur document, qu’ils concernent la période la plus récente ou la plus éloignée. Et il a compris que pour intéresser  des chercheurs à l’étude de ce judaïsme nord-africain, il fallait d’abord qu’il leur en ouvre le corpus. Il a réalisé ainsi deux instruments de recherche indispensables : La bibliographie des Juifs d’Afrique du Nord et Les périodiques juifs d’Afrique du  Nord.

Il a ainsi suscité des vocations, conseillant des étudiants en quête d’un sujet ou des professeurs souhaitant enrichir leurs connaissances ou s’ouvrir à d’autres horizons. Il a de ce fait inspiré les premiers travaux israéliens sur l’histoire des Juifs d’Afrique du Nord. Il a rendu leurs racines et leur mémoire aux originaires d’une communauté disparue. Il a éveillé la curiosité des chercheurs et ouvert la voie aux travaux universitaires qui ont été ensuite entrepris en France, en Israël, Outre-Atlantique et en Afrique du Nord même. Car l’un des mérites de Robert Attal fut d’être un lien permanent au travers de la Société d’Histoire des Juifs de Tunisie entre les chercheurs du Ponant et ceux du Levant. En répondant aux demandes d’informations qui lui venaient d’Afrique du Nord avec sa totale générosité, il obtint aussi des copies de documents qui se trouvaient dans les archives locales et qui sont maintenant à la disposition des chercheurs israéliens.

C’était un savant, ce n’était pas seulement un savant par ses connaissances qui étaient immenses mais par sa méthode. Il soumettait tout à de multiples vérifications. Il examinait un document comme le médecin procède à une dissection. J’évoquerai aussi sa bibliothèque personnelle riche de 1.300 ouvrages en judéo-arabe, introuvables pour la plupart et qu’il a remise avant sa mort à la Bibliothèque Nationale d’Israël. C’est à lui que l’on téléphonait lorsqu’on avait besoin d’une date ou d’une statistique, d’une référence : on était sur d’avoir la réponse car il aimait aider d’autres chercheurs sans rien demander en échange. Il était indulgent aux autres. Il n’était pas jaloux des travaux réalisés même lorsque certains esprits peu scrupuleux se servaient des siens ou le copiait sans citer la source. Il rappelait souvent que la modestie et la largesse d’esprit sont la marque du véritable chercheur.

Robert Attal était profondément Juif. Le judaïsme rappelle l’importance du devoir de mémoire. Moïse mourant au pied du Mont Nébo rappelait au peuple juif rassemblé cette nécessité d’apprendre l’histoire : « Souviens- toi des jours antiques. Interroge ton père il te le dira, les Anciens de ton peuple ils te raconteront. ». L’œuvre historique de Robert Attal c’est au-delà de ses éminentes qualités scientifiques, une fidélité à une mémoire, une invitation pour d’autres à la découvrir.

Ce soir nous savons que le nom et l’œuvre de Robert Attal survivront. La tradition juive estime que si l’enveloppe charnelle de l’homme meurt, l’homme lui-même ne meurt pas tant que l’on parle de lui, qu’il sert de référence. Robert Attal sera présent non seulement dans les années à venir mais dans les siècles à venir tant qu’il existera une recherche historique libre et indépendante, car comment aborder un sujet de recherche sur les Juifs d’Afrique du Nord sans consulter sa bibliographie et son tableau des périodiques ?

La Société d’Histoire des Juifs de Tunisie a décidé de dédier tous ses travaux de la prochaine année universitaire à la mémoire de Robert Attal et une journée spéciale de Mélanges sera organisée en sa mémoire en collaboration avec la Commission Française des Archives Juives.

Adieu Robert, Adieu mon ami, Adieu mon maître.

Nous nous efforcerons de continuer le sillon.

ZAKHOR TSADIK LIBRAKHAA !

 

                                                                        Claude Nataf


Communique du Ben-Zvi Institute

Avraham Robert Attal, the great bibliographer and researcher of North Africa Jewry, has passed away. A librarian emeritus at the Ben-Zvi Institute, he wrote mostly (but not exclusively) on Maghreb Jewry.  He made Aliya from Tunisia in 1954 and over the years, he published more than 170 articles and books. Among them was his monumental Les juifs d'Afrique du nord; bibliographie (Hebrew and French) of which a companion volume of updates was published several months ago ; La présse periodique juive d'Afrique du Nord (Hebrew and French; Un siècle de literature judéo-arabe tunisienne (1861-1961) (Hebrew).

He was not only human data base for innumerous scholars and students around the world, but a person who enjoyed helping others with their research.

To all those who were touch by this modest scholar, he will be greatly missed.

Moti Ben-Ari

Library Director

Yad Ben-Zvi


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